POEMES SUR LES YEUX

 

 
77.   Les yeux  -  (Sully Prudhomme 1839-1907)

 

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore
.
 
               Les nuits, plus douces que les jours,
               Ont enchanté des yeux sans nombre ;
               Les étoiles brillent toujours,
               Et les yeux se sont remplis d'ombre.

 
Oh ! qu'ils aient perdu le regard,
Non, non cela n'est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible ;

 
               Et comme les astres penchants
               Nous quittent, mais au ciel demeurent,
               Les prunelles ont leurs couchants,
               Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent.

 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux,
Les yeux qu'on ferme voient encore.

(Stances : la vie intérieure)

 

78.  Les yeux lointains  - (Jules Supervielle 1884-1960)

 

Chers yeux si beaux qui cherchez un visage,
Vous si lointains, cachés par d'autres âges,
Apparaissant et puis disparaissant
Dans la brise et le soleil naissant,
 
               Et d'un léger battement de paupières,
               Sous le tonnerre et les célestes pierres
               Ah ! protégés de vos cils seulement
               Chers yeux livrés aux tristes éléments.

 
Que voulez-vous de moi, de quelle sorte
Puis-je montrer, derrière mille portes,
Que je suis prêt à vous porter secours,
Moi, qui ne vous regarde qu'avec l'amour.

(Le Forçat innocent)

 

Yeux bleus ou bruns, tous aimés, tous beaux...

 

79.  LES YEUX FERTILES  -  (Paul Eluard 1895-1952)

 

               On ne peut me connaître
               Mieux que tu me connais
Tes yeux dans lesquels nous dormons
               Tous les deux,
Ont fait à mes lumières d'homme
Un sort meilleur qu'aux nuits du monde.

 
Tes yeux dans lesquels je voyage
Ont donné aux gestes des routes
Un sens détaché de la terre.

 
Dans tes yeux ceux qui nous révèlent
Notre solitude infinie
Ne sont plus ce qu'ils croyaient être.
On ne peut te connaître, mieux que je te connais.

 
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens
Elle
a la forme de mes mains
Elle
a la couleur de mes yeux,
Elle
s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

 
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir,
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils...

(Mourir de ne pas mourir)

 

80.  LES YEUX OUVERTS  -  (Jean Follain 1903-1971)

 

Quand les filles mangent
Loin d'elles on pense
A leur fines fourrures cachées
Aux doigts joints vers un visage                
A l'eau qui sur le corps
Aux douces mains opérant
Ruisselle, glace
Aux douces mains opérant
Une besogne fangeuse
A des bêtes mourant
Avec la vue
De leurs yeux larges ouverts.

(Présent jour)

 

Les yeux envoûtants de Marilyn Monroe et de Julia Roberts

 

81.  LES YEUX D'ELSA  -  (Louis Aragon 1897-1982)

 

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir s'y mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés,
Tes yeux sont si profonds que j'y perd la mémoire.

 
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure.

 
Une bouche suffit au mois de Mai, des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les " hélas ! "
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux.

 
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août.

 
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
O paradis cent fois retrouvé, reperdu,
Tes yeux sont mon Pérou, ma Colconde, mes Indes

 
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que des naufrageurs enflammèrent,
Moi, je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa... les yeux d'Elsa... les yeux d'Elsa ...

(Elsa, de Louis Aragon)

 

82.  Le miroir de l'âme    

 

Les yeux sont le reflet de l'âme
Des âmes claires, pures, grandes ouvertes
Yeux brûlants vifs comme une flamme
Yeux profonds comme une mer toute claire...

 
Yeux coquins, sournois, maquillés,
Perçants, froncés, crispés, serrés,
Agacés, Tristes, hagards, mouillés,
Veloutés, Sincères, Rassurés,

 
Yeux qu'on croise un jour par hasard
Déclenchant un feu d'étincelles
Alors que mille autres regards
Se noient dans le monde matériel !

 
Pourquoi parler, vouloir paraître ?
Quand un seul regard nous suffit
Pour voir l'art d'un tableau de Maître,
La perfection d'une goutte de pluie ?

 
Les yeux sont le guide de la vie,
Ils nous préviennent, extériorisent :
La joie, les pleurs, la sympathie,
La douleur, le bonheur limpide...

 
Il est dans les étoiles, des mondes,
Cachés et ignorés des hommes,
Où anges et yeux purs se confondent,
Dans la grande lumière d'un royaume...

(Jean-Claude Brinette)

  

Les beaux yeux d'Isabelle Adjani et de Scarlett Johansson

 


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