Les trois déesses : Kâli, Târâ et Siddha-râtri

 

  1.  La déesse Kâli ou la Connaissance transcendante

 

Dans la mythologie primitive Hindoue Kâli était un aspect de la déesse DEVI qui fut envoyée sur terre pour anéantir une race de démons.

Kâlâ le temps est la puissance qui use et détruit les mondes. Kâli est son énergie représentée sous la forme d'une déesse associée à Shiva lorsque le dieu décide que les temps sont accomplis et plonge les mondes dans l'obscurité pour les endormir dans la nuit suprême.

La nuit éternelle est une mesure du temps absolu, comme Shiva (dont la racine shin veut dire dormir) est celui qui fait dormir tout le monde. Dans le microcosme de notre vie individuelle la nuit absolue est cette ultime lumière qui apparaît pour nous soulager lorsque nous sommes plongés dans les malheurs de notre misérable existence.

Seule Kâlî la puissance du temps, ignore la crainte qu'elle inspire à ceux qui la défient, mais Kâlî a aussi le pouvoir de protéger ceux qui l'invoquent et de les mettre en confiance.

Kâlî la noire, (qui incarne l'obscurité) a donc deux aspects :

" Puisse la toute puissante Kâli : pouvoir transcendant de notre conscience nous couvrir de sa bienveillante protection, comme une mère veille sur le sommeil de ses enfants et une poule protège de ses ailes sa couvée en refoulant les dangers.

Que tous les êtres qui se sont trompés de chemin pendant le jour viennent la nuit se reposer dans son sein pour y trouver la paix intérieure de l'âme et la force de mieux agir dans la lumière. Alors la méditation dans le silence et le repos deviendra une force et une énergie capable de lutter contre les forces de domination et d'écrasement des plus faibles.

Même les êtres qui n'ont jamais entendu le nom de la déesse des sphères viendront dans ses bras pour y dormir en paix comme des enfants confiants. Ô miséricordieuse !

Puissance de la Conscience ! Obscurité enveloppante ! Ô divinité de la nuit ! Ne tiens pas compte de nos actions, emporte nous loin de ceux qui nous veulent du mal, loin du loup du péché et de la louve du désir insatiable.

Sois pour nous le vaisseau de joie qui nous conduira sur l'autre rivage et nous mènera vers la béatitude des élus..." (Karapâtrî, Shrî Bhagavati-tattva)

Lorsque tout est détruit et que la puissance du temps est écoulée, la vraie nature de la nuit éternelle se révèle comme un bonheur immense et une paix infinie.

 

2.  Le double aspect de la déesse TARA :

 
L'étoile terrible dans la Nuit de la Colère (Krodha-râtrî)
Ou la Grande BELLE DAME appelée l'ETOILE QUI SAUVE

 

Târâ est considérée comme le second Objet de la connaissance transcendante hindoue, mais aussi comme la grande déesse du bouddhisme tibétain. Comme Kâlî, elle peut être soit l'Etoile ravageuse qui consume les méchants incroyants ou la LUMIERE qui mène sur l'autre rive le bon voyageur menacé par les éléments déchaînés.

Comme le double de Kâlî, issue de la Grande Déesse Devî, elle peut dévorer et régénérer les mondes, ou se montrer comme la déesse qui console et apaise ceux qui ont faim.

Comme Kâlî la guerrière, elle domine la puissance du temps, elle sanctifie les souffrances de la faim et le vide corporel créé par l'ascèse pour la dépense des sacrifices afin de contraindre les corps à l'obéissance et à la suprématie de l'esprit. La puissance de Târâ est telle qu'elle peut détruire tout un système solaire.

" Elle est le grand vide, l'ETOILE d'où TOUT fut graduellement formé et qui conduit TOUT vers la libération du cycle sans fin ..." (Mahâsundarî Tantra).
" Elle qui mérite d'être servie par l'Etre-Immense (Brahmâ), l'Immanent (Vishnu) et le transcendant (Maheshvara), Elle qui crée, nourrit et détruit le monde, qui soutient l'Univers, Elle qui enlève la peur inhérente à l'existence, Elle : l'énergie suprême qui seule, Celle peut nous éviter de " renaître indéfiniment "... Elle est le vaisseau qui nous permet de traverser l'Océan du monde "   ( Tantra cité dans Târâ-rahasya, Kalyâna, Shakti anka ).
Comme Vishnu et Shiva, Târâ peut à la fois apparaître sous la forme d'une créature de TOUTE BEAUTE pour commander au Roi des rois qui règne sur le vaste univers...

Ou comme une mégère à quatre mains debout sur un cadavre qui tient dans une main une tête coupée, dans la seconde une épée, dans la troisième un lotus bleu et la quatrième un bol de mendiant ! Ses cheveux roux en désordre sont noués par des serpents bleus venimeux. Ses yeux rouges flamboyants rappellent les flammes de l'enfer tandis que son front est orné d'une couronne d'ossements blanchis !

Vision terrible qui va de la plus grande beauté au cauchemar plein d'effrois et d'horreurs ...

Déjà considérée comme l'Etoile-Mère dans le Brâhmânda Purâna sous une forme moins effrayante, elle est surtout vénérée par les jaïna-s et les moines bouddhistes qui pratiquent le jeûne sévère et ont définitivement renoncé au monde.

Pour la secte Blanc-vêtue (Shevtâmbara) elle est comme une fée qui protège le prophète Suvidhinâtra.

Voyant dans le néant de la vie terrestre la fin de l'univers, les sages quittent un monde illusoire pour se fondre dans le vide dans la forme immuable de l'Immensité. (Târâ-Rahasya)

 

3.  La fille de 16 ans "Déesse des sphères"  nommée  SIDDHA-RÂTRÎ

 

Les trois mondes étant créés, la puissance de Shiva s'éveille et dans son regard aux trois lumières jaillit la lumière solaire qui façonne une jeune déesse de seize printemps : image de la perfection, de la beauté éclatante.

Très vite Siddha-râtrî va s'épanouir et bientôt faire place à la resplendissante " déesse des sphères " épouse de Shiva-aux-trois-yeux, elle devient la puissance du savoir et la puissance de la Nuit de la réalisation. Souveraine de l'univers, on l'honorera comme la Reine des reines (Râja-râjeshvarî).

La " Toute-Puissante déesse des sphères " porte le croissant de lune sur son front et son sourire rayonne d'un éclat merveilleux pour redonner confiance et espérance à tous ceux qui l'invoquent.

Elle porte sur sa tête trois attributs qui marquent sa Toute-Puissance :

  1. le lingua qui est le principe masculin de la personne cosmique,
  2. le yoni qui représente la nature féminine et
  3. le serpent, symbole du temps.

Son visage apparaît rayonnant comme : l'or fondu. Ces trois attributs sont aussi d'anciens symboles de l'âge védique...

Deux de ses mains tendues écartent la crainte et font le geste de donner, ses deux autres mains tiennent un lacet et un crochet pour diriger les éléphants. Le faite qu'on la représente parfois avec une grande massue dans une main prouve que le culte de cette grande déesse est probablement antérieur à l'âge du fer.

 

4.  Autres aspects d'anciennes déesses

 

Citons quelques cultes donnés aux anciennes déesses aux aspects multiples, maléfiques ou bénéfiques :

Il est difficile de situer l'âge de ces déesses très antérieur à l'âge pré-védique quasiment indéfinissable dont les origines se perdent dans les millénaires de la nuit des temps !

Les Brahmanes et moines Bouddhistes n'ont visiblement pas voulu détruire les cultes anciens mais les montrer sous des aspects nouveaux pour inciter la masse du peuple, trop souvent illettrée, à suivre l'exemple des dieux et à se mettre en route sur le long et difficile chemin de la recherche du soi et du nirmala.

 

Le Kundalini : énergie spirituelle

 

Si aux temps Védiques la déesse Shakti de l'énergie devait donner à Brahmâ sa force pour donner vie à l'Embryon-Cosmique d'où est sorti la Création de l'Univers, dès le Vè siècle avant notre ère Shakti, l'énergie omniprésente s'est vue dotée d'un grand pouvoir de cohésion entre Vishnu, Shiva et Brahmâ.

On peut ajouter à cette énergie de cohésion, également dénommée : " l'ENROULEE " (Kundalini), deux autres fonctions :

  1. "l'orbitation" (ou attraction) autour du noyau central et
  2. la dispersion ou pouvoir de destruction par le feu purificateur.

Dans le Shri Lalita Saharasnama, un livre sanscrit qui donne plus de mille qualités à la Grande Déesse ou la Mère intérieure :

" le mot Kundalini est l'un des noms attribué à la Déesse Mère."
Le Kundalini est la voie qui conduit au divin : le Nirvana.

Esprit vient du latin spiritus signifie le souffle, le vent comme le dit la racine de Yahvé, YHWY " le vent," En Inde ce souffle est appelé Brahma Chaitanya, le souffle de Dieu.

Religion (vient du latin religare) = relier ou unir. Yoga veut également dire " Union "

L'union est avant tout une recherche de soi-même, une mise en éveil de la conscience de chaque individu à la recherche de son entité. Pour cela il doit faire appel à " l'énergie spirituelle " appelée en Inde " le Kundalini. "

Lorsque la déesse Mère Kundalini s'éveille, elle met en route dans notre mémoire l'union avec SHIVA, le reflet de Dieu le Père dans les cieux, c'est pourquoi la recherche de l'équilibre en soi est une étape décisive qui élève nos pensées au-dessus de la vanité du monde matérialiste. C'est un genre de seconde naissance, la liaison ou mise en contact avec un autre monde : celui du SPIRITUEL qui mène à la vie éternelle.

" Je me suis tourné vers la Déesse Et maintenant je suis UN avec Dieu Je me suis élevé au-dessus du cycle des renaissances..." (Adi Shakti)
L'homme doit en quelque sorte se libérer de son mental terrestre que symbolise le serpent pour éveiller et libérer sa deuxième nature : l'oiseau qui s'envole au ciel.

Au Dahomey, le créateur des dieux Marwu-Lisa représenté sous la forme du serpent qui rampe, était à la fois masculin et... féminin.

 

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